Sylvie Bourcier, intervenante en petite enfance
Avril 2012
www.aveclenfant.com
Grognements d’animaux, fusillades en rafale, batailles entre héros et vilains : certains jeux d’enfant inquiètent les parents. Ils craignent que les enfants se blessent, ils anticipent le vacarme dans la maison. Et jusqu’où laisser aller l’enfant qui se prend pour un chasseur Pokemon® ou qui déploie coups de pieds et cris pour faire fuir son ennemi? D’autant plus que certaines séries télévisées et maisons de production cinématographique mettent sur le marché des produits dérivés qui créent toute une frénésie.
L’enfant rêve de posséder la force héroïque de Superman ou de Spiderman. Ces pouvoirs magiques lui permettraient de surmonter ses peurs et de quitter son état de dépendance. De plus, les enfants imitent spontanément ce qui est nouveau. Les petits de 2 ans reproduisent sans donner un sens à leurs gestes calqués sur des personnages. Les parents attentifs à cette démonstration doivent donner un sens à ce mimétisme en nommant l’émotion reproduite par l’enfant. Vers l’âge de 3 ans, l’enfant choisit ses modèles, les héros dont il s’inspire. Il intègre l’allure du héros, ses attitudes, ses facultés extraordinaires et parfois même son langage.
Quoi qu’il en soit, il est normal pour un enfant de s’identifier à un personnage. Réprimez ce type de jeu et vous découvrirez des Batman® sous la table, des Spiderman® derrière un paravent, et les jeux se feront en cachette. Il vaut mieux établir une connivence avec les enfants. Tentez de cerner ce qui caractérise les héros, ce que représentent pour eux ces personnages. Ils se feront un plaisir de corriger vos imitations. En entrant dans le jeu, vous pourrez les amener à l’enrichir, à le diversifier, à proposer des amis au héros, à lui attribuer d’autres émotions. Vous soutiendrez ainsi leur créativité.
Étonnamment, interdire le jeu combatif peut l’inciter. Le fait de jouer avec l’enfant l’aide à rediriger son jeu, à exprimer ses sentiments de façon symbolique et à développer sa capacité à régulariser ses conduites agressives à travers un personnage, un animal, une fantaisie. L’épée de carton, le fusil fait de blocs et la baguette magique servent à créer un monde imaginaire et à faire semblant de combattre, de tuer ou de transformer.
C’est l’adulte qui confond le héros batailleur et son arme à l’armada réelle, celle des grands, celle qui tue dans la réalité. C’est prêter aux petits toute une intention hostile et c’est toute une responsabilité que d’interdire ces jouets fusils tirés du cinéma parce qu’ils sont destructeurs. L’enfant d’âge préscolaire navigue de la réalité à son monde imaginaire.
En acceptant les jeux de guerre, les jeux combatifs ou les jeux de héros et en y participant, l’adulte reconnaît le besoin des enfants de maîtriser leur monde. Il peut alors leur proposer des solutions de rechange, aider l’enfant à se maîtriser la manette de contrôle, enrichir son jeu créatif et agir à l’occasion en tant que médiateur.
Heureusement, la majorité des émissions canadiennes pour enfants présentent des héros socialement adaptés, joyeux et pacifiques.
Sylvie Bourcier