Le corps en détresse réagit
Plus l’enfant est jeune, plus il exprimera sa détresse de façon corporelle. En effet, comme il ne peut traduire ce qu’il ressent en parole, son malaise peut s’exprimer par des troubles psychosomatiques. On pourra alors observer par exemple un mal de ventre ou à la tête, des troubles du sommeil ou de l’appétit. Chez certains déjà prédisposés on constatera une augmentation de la fréquence et/ou de l’intensité des crises d’asthme ou d’eczéma. On peut aussi noter des réactions comportementales ou émotionnelles. Certains « sur réagiront », on se retrouve alors face à de l’agitation, de l’impatience, des crises, de l’excitation manifestant de l’impulsivité anxieuse. D’autres expriment leur désaccord ou leur insécurité en « sous réagissant ». Ils adoptent alors des comportements qui dérangent moins mais doivent nous inquiéter tout autant. Ils se montrent passifs, se mettent en retrait. Ils préfèrent donc se soustraire de la situation stressante ou nouvelle de crainte de se tromper ou d’être menacé dans leur sécurité intérieure. De ce fait, ce type d’enfant manque souvent de diversité dans ses jeux préférant reproduire des activités dans lesquelles il est certain de bien figurer et dont il connaît l’issue. De plus, les recherches démontrent qu’un individu exposé de façon chronique au stress voit son système immunitaire s’affaiblir. Tout le corps se mobilise pour s’adapter et devient donc moins fort pour combattre les microbes.
Les sources de stress
Le rythme effréné de la vie, le climat familial et les changements peuvent causer un stress indu à l’enfant. Son niveau de stress variera non seulement selon la présence de ces stresseurs mais aussi selon le tempérament, la santé, les points de fragilités de l’enfant. Le rythme imposé par la société aux parents se répercute sur le sommeil de l’enfant, les demandes à satisfaire rapidement (habillage, repas, rangement …) et, sur la stabilité des routines quotidiennes et donc sur le niveau de stress des enfants. Certains ont d’ailleurs un agenda chargé; activités artistiques ou sportives se succèdent sans permettre le bonheur de la paresse souvent mère de la créativité. Le rythme imposé aux enfants en milieu de garde peut aussi contribuer à son niveau de stress. (D’ailleurs une chronique vous sera proposée sur ce thème en avril 2009 par Céline Perreault … à suivre).
Quant au climat familial, il est facile de concevoir le stress vécu par l’enfant qui grandit au cœur de disputes. Le petit profondément égocentrique se sent responsable des conflits, des séparations. Les punitions aléatoires engendrent aussi du stress puisque l’enfant ne sait pas quand ses parents séviront, les règles étant exercées au gré des humeurs des adultes. Les attentes irréalistes peuvent provoquer le stress de performance. Qu’ils s’agissent de demandes relatives à des apprentissages trop précoces c’est-à-dire non adaptées au niveau développemental de l’enfant; entraînement à la propreté à 18 mois, écriture, lecture, mathématique à 4 ans. (Je reviendrai sur les dangers du stress de performance en février 2009).
Les changements constituent aussi une source de stress chez l’enfant. Naissance d’un bébé, déménagement, maladie d’un proche, décès, intégration à un milieu de garde sont certes des événements susceptibles de mobiliser les capacités adaptatives de l’enfant. Mais les modifications aux habitudes de vie peuvent aussi inquiéter l’enfant, s’il ne peut anticiper ce qui lui arrivera il a fort à parier que l’enfant en sera préoccupé.
Quelques antidotes au stress de l’enfant
La stabilité des routines constitue une mesure simple et efficace pour contrer le stress. La constance des règles et une succession prévisible des routines contribuent à instaurer un sentiment de sécurité intérieure. Le jeu libre doit occuper une place prépondérante dans la vie du petit. En effet, non seulement il permet la détente et la créativité, il recèle une foule d’apprentissages. Il expérimente dans son corps, en manipulant de nombreux concepts qu’il intègrera peu à peu. Au cœur de ses découvertes, il y a lui, son corps et toutes ses possibilités motrices mais aussi son monde affectif et des notions comme les couleurs, les formes, les textures, les propriétés diverses des objets, leurs fonctions. Tout un monde!
Le facteur de protection le plus important demeure le lien d’attachement. L’enfant qui reconnaît l’amour inconditionnel, la fiabilité, l’écoute de son parent grandira avec la conviction que quoi qu’il arrive ses parents sont là pour lui, pour l’épauler, l’accueillir, le soutenir. L’amour s’exprime certes par les soins mais aussi par la qualité de la présence. Partager du temps avec ceux qu’on aime n’est-il pas le message d’amour par excellence ? Les vacances sont l’occasion idéale pour exprimer à nos enfants combien ils comptent pour nous et qu’ils font et feront partie longtemps de nos projets familiaux. Le partage du temps avec l’enfant peut et doit aussi s’inscrire au quotidien. De multiples occasions s’offrent aux parents : collaborer au moment de mettre la table, chanter en duo en voiture, déblayer la neige, trier les bas le jour de la lessive, échanger lors du bain, du repas et s’intéresser à ses jeux.
On ne peut immuniser notre enfant contre les stress de la vie, ils sont souvent imprévisibles ou encore incontournables. Cependant, il est possible de réduire les facteurs de stress. Éviter par exemple d’additionner les stresseurs, en changeant l’enfant de milieu de garde lors de séparation ou en donnant son lit au bébé au moment de la naissance de ce dernier (il est préférable de faire cette adaptation durant la grossesse). De plus, en donnant l’occasion à l’enfant de constater qu’il est capable d’agir de façon autonome, de choisir, de trouver des idées créatrices, on lui envoie le message qu’il sait trouver des solutions à ses difficultés.
Il est aussi possible d’apprendre aux petits à gérer leur stress, exercices de respiration, de relaxation, plein air deviennent alors des outils fort utiles.
Les parents ont un rôle de premier à jouer dans le développement du sentiment de sécurité chez l’enfant et l’apprentissage des mécanismes adaptatifs susceptibles de soutenir la gestion du stress. Mais n’oublions pas les éducatrices et l’influence des pairs qui l’une et l’autre agissent comme modèles et « enseignants » pour les enfants.
Sylvie Bourcier
Intervenante en petite enfance