Sylvie Bourcier, intervenante en petite enfance
Février 2013
www.aveclenfant.com

 

Judith, éducatrice, formée applique, avec constance et calme, une saine discipline au sein de son groupe. Les règles s’appuient sur les besoins de sécurité de chacun et du groupe. Elle répète trois fois tel un disque rayé ce qu’elle attend des enfants et sévit lorsqu’un enfant contrevient à la règle. Et pourtant l’anarchie règne. Ce qui lui manque c’est l’engagement à l’autre dans une relation significative. Cette relation est tissée de situations partagées émotionnellement, de considération et d’empathie. Donc, cette considération à l’enfant dépasse les automatismes, les techniques appliquées selon les méthodes apprises. Gendreau[1] parle d’une considération volontaire, professionnelle qui s’exerce dans l’inconditionnalité, dans l’estime que l’on porte à chaque enfant. Cet amour clinique a un caractère gratuit mais aussi des limites (je ne suis pas ta mère).

L’enfant a donc besoin non seulement d’une éducatrice émérite mais surtout d’un adulte responsable, chaleureux et empathique qui donnera un sens relationnel à des règles et ce dans un contexte de confiance. Jean-François Chicoine[2] parle du besoin « d’idées émotionnelles ». L’enfant intériorisera des règles qui sont accompagnées d’une approche empathique. Il n’y a pas de discipline possible sans affection. D’ailleurs, les éducatrices s’attendent toutes à des difficultés disciplinaires au début de l’année avec leur groupe puisque la relation est en construction.

« L’enfant se laissera plus facilement discipliner par une éducatrice qu’il connaît depuis deux à six mois »[3]. Répondre automatiquement d’une personne qui nous accueille avec le sourire le matin, qui écoute, décode, comprend ce que l’on ressent, ce que l’on veut, fait plaisir. L’enfant cherche à préserver le lien de confiance et positif qu’il a établi avec cette personne. Mais pourquoi suivrai-je les consignes d’une personne indifférente à mon égard ? Certes la discipline requiert constance et donc disponibilité pour superviser l’enfant afin qu’il ne reproduise pas un comportement jugé dangereux ou inacceptable mais il faut aussi l’attention chaleureuse à l’autre pour le décoder et recadrer ou ajuster nos méthodes disciplinaires. Sinon, adieu le principe de l’enfant est unique et bienvenue aux petits soldats qui suivent le régiment de crainte des représailles.

L’enfant a donc besoin de retrouver son sentiment de confiance dans le contexte éducatif pour se développer et pour accepter les limites. C’est lorsqu’il percevra l’amour inconditionnel de l’éducatrice, son engagement à établir une relation significative qu’il acceptera davantage les limites inhérentes au maintien et à l’enrichissement des relations sociales. L’éducatrice parfois frustrante est aussi aimante ce qui rend les frustrations plus supportables. L’accueil de l’enfant sans faire référence à ce que l’on souhaiterait qu’il soit ou qu’il fasse, et le partage de son monde imaginaire enfantin nourrissent la relation éducative. Il faut se laisser séduire par le jeu de l’enfant, y entrer sans semer nos idées d’adulte mais bien s’y intéresser pour découvrir avec émerveillement les pas de l’enfant qui grandit. La relation éducative est une action professionnelle, elle ne s’inscrit pas dans le désir de l’adulte de se sentir aimé et apprécié puisque certains enfants blessés du mal-amour hésitent ou fuient la relation. S’engager dans la relation éducative, est un choix qui donne un sens à notre vie en nous permettant d’accompagner l’enfant à grandir.

 


[1] Gendreau, G. (2001) Jeunes en difficultés et interventions psychoéducatives. Éditions Sciences et Culture.

[2] Chicoine, J.F., Collard, N. (2006) Le bébé et l’eau du bain. Québec Amérique, p. 231.

[3] Chicoine, J.F., Collard, N. (2006) Le bébé et l’eau du bain. Québec Amérique, p. 231.