Je n’oublierai jamais ce moment touchant où notre fille nous annonçait la nouvelle que nous allions devenir grands-parents. Une panoplie d’émotions a surgi en moi : La joie, la surprise, la nostalgie, l’excitation, l’amour… Voilà une étape de vie que j’espérais vivre un jour et qui s’amorçait avec son lot d’intérêts, de questionnements et de doutes, de projections dans les prochaines années et ’envies de festoyer.

Je suis bien consciente que ce témoignage ne correspond pas à la réalité de tous les grands-parents. D’autres vivent avec beaucoup plus d’obstacles et de défis (pour de multiples facteurs/raisons) envers ce nouveau statut. Je souhaite simplement valoriser la place des grands-parents dans notre société.

Redéfinir mon rôle de parent auprès de ma fille à celui d’être grand-parent, apprivoiser le rôle de « témoin » et d’accompagnatrice plutôt que celui d’actrice principale. Permettre à ma fille une certaine distance affective afin de l’aider à développer la confiance en soi en tant que parent. Cela nécessite un dialogue avec mes « grands » enfants pour les ajustements nécessaires. La communication est importante, avec ce que ça implique comme défis et habiletés. Ça demande du temps, de la bienveillance et de la confiance. C’est un apprentissage à long terme et permanent. Être grand-parent ça s’apprend surtout « sur le tas », par l’expérience.

Je m’émerveille de nos enfants, qui sont parents à leur tour, et je leur fais confiance. Ils ont des ressources. Elles sont très souvent différentes de celles que j’aurais utilisées et c’est fort intéressant. Je redécouvre une autre façon de me rapprocher de mes « grands » enfants, de les écouter, les soutenir dans leur rôle de parent, les encourager et donner mon opinion lorsqu’ils me le demandent.

J’ai le privilège de vivre le rôle de grand-parent de façon ponctuelle, pour une activité spéciale, des sorties, des journées de congé, des petits séjours. J’adore ce rôle d’offrir affection et attention à mes petits trésors, tout en laissant aux parents celui de les éduquer et de les rendre responsables et autonomes. Bien sûr je vois à une certaine discipline, il y a des règles chez nous aussi mais on se permet de petits écarts et on met l’accent sur le jeu et le plaisir. « Les enfants sont capables de comprendre que certaines exceptions sont réservées aux visites chez les grands-parents. Il suffit de leur expliquer. »[1]

Le temps s’arrête lorsque les petits enfants viennent à la maison, je suis plus disponible pour apprécier ces moments. Même les disputes, les gestes malhabiles, les dégâts me semblent plus légers que lorsque j’étais parent et sont des occasions satisfaisantes de me reprendre et d’intervenir autrement, de façon plus soutenante.

« La joie d’être grand-parent implique souvent de rester discret. Les petits-enfants doivent savoir que les grands-parents sont ceux qui valorisent et applaudissent leurs succès et dédramatisent leurs échecs. » (Yves Durand)[2]

Ce que je souhaite construire petit à petit avec mes petits-enfants c’est un havre de sécurité, du temps, rempli d’humour, de découvertes, de disponibilité et d’attention, de complicité, de respect et d’amour dans un rythme plus lent. Je souhaite contribuer à ce qu’ils ressentent qu’ils appartiennent à une lignée, qu’ils développent un sentiment d’appartenance à une famille et son histoire en leur racontant des souvenirs positifs de leurs parents et grands-parents. Je souhaite devenir une personne de référence, une oreille sur qui ils peuvent compter.

Il m’arrive de trouver difficile de refuser une demande pour garder les petits-enfants. La culpabilité pointe rapidement le bout de son nez ou d’avoir l’impression de manquer un rendez-vous. J’apprends l’importance de préserver des moments pour moi et mon couple : « Savoir dire non pour mieux dire oui » (Marcel Rufo)[3]. Il ne m’est pas toujours facile de prioriser certains de mes besoins. Voilà d’autres occasions d’apprentissage sur mon parcours.

Selon Danièle Flaumenbaum, il faut réinventer la transmission chez les grands-parents. La société ayant beaucoup changé en quelques décennies, les grands-parents doivent selon elle, garder à l’esprit qu’ils ont à passer des valeurs de vie, celles qui donnent de la valeur à la vie et permettent aux jeunes d’être propulsés pour pouvoir se réaliser : « Il faut saisir les occasions de leur raconter l’histoire familiale sur trois générations, leur évoquer l’importance de la sexualité, de la mort… Ce ne sont pas des cours d’amphithéâtre qui les aideront, mais tout ce qui leur donnera conscience de la beauté et de la hardiesse de la vie. Nous avons la responsabilité d’être des vieux heureux, lumineux et légers pour donner aux jeunes l’envie de vivre » (Danièle Flaumenbaum)[4]

Être grand-parent réunit le meilleur des deux mondes, vivre tous ces moments précieux d’exploration, de tendresse, de plaisir partagé sans avoir la responsabilité quotidienne et le stress de la planification-organisation, sans oublier le privilège de pouvoir dormir et me reposer lorsqu’ils retrouvent leurs parents.

Être grand-parent m’apporte tellement de bénéfices. Je me sens active, engagée et contribuant à la société, cela stimule ma créativité, ma capacité d’adaptation, ça mobilise mes énergies et diminue mon stress, ça me fait toucher la joie et savourer le moment présent, ça contribue à l’étoffement du sens de ma vie, sur la transmission et sur la force de chaque petit humain sur cette planète. Ça me remplit d’espoir.

Dany Massé

Intervenante en petite enfance

 

[1] Le Psy-guide des grands-parents, G. Vallières‑Lavoie et S. Vallières, Les Éditions de l’Homme

 

[2] La joie d’être grands-parents aujourd’hui, Marie Odile et Yves Durand, https://www.google.com/search?client=firefox-b-d&q=les+grands+parents+d%27aujourd.hui%3A+heureux%2C+confiant#fpstate=ive&vld=cid:3c1bfb12,vid:GQPSfyY64Dk,st:0

[3] Grands-parents : A vous de jouer, Marcel Rufo, Ed Le livre de poche

[4] Les passeuses d’histoires-Ce que nous transmettent nos grands-mères, Danièle Flaumenbaum, Éd. Payot