Céline Perreault

Février-mars 2010

www.aveclenfant.com

Comment se développe l’attachement de  l’enfant à l’adulte :

S’attacher signifie s’unir, se lier à quelqu’un. Cette personne en l’occurrence, l’éducatrice ,devient une personne à qui l’enfant est ‘’lié’’, il peut s’y référer. Elle le connaît, elle peut prendre sa défense et le protéger. Comme l’enfant a besoin que l’on réponde à ses besoins de base pour ensuite être capable d’explorer son environnement, il doit pouvoir ‘’compter’’ sur quelqu’un qui le connaisse assez bien pour prendre soin de lui. Il est en croissance, il est en marche vers l’autonomie, il doit pouvoir compter sur un adulte mature, capable de comprendre son développement et de répondre à son besoin de reconnaissance, d’estime de soi et d’amour.

C’est en répondant à ses besoins de base que l’enfant et l’adulte vont s’attacher l’un à l’autre. L’enfant doit être respecté dans son intégralité. IL est une personne avec un potentiel. Il n’est pas un vase vide mais plutôt un vase plein qui devra être ‘’déballé’’ par l’éducatrice. Considérant que l’enfant est capable de faire des choix et d’affirmer ses goûts et intérêts,  l’éducatrice professionnelle sera capable de les identifier et d’y répondre en lui donnant des soins attentifs.

Prenons l’exemple de Justin 3 ans, qui est nouveau au service de garde. Ses premiers jours de garde vécus dans cet environnement  bruyant et nouveau, le stressent. Il ne connaît pas le milieu et ses règles de vie. Mais peu à peu, il découvre qu’il y a une routine, une alternance de moments qui se ressemblent de jour en jour. Il commence à se repérer dans le temps. Il s’adapte doucement. Il reconnaît son éducatrice Joanie, elle est là tous les jours. Elle répond à ses besoins de base. Elle lui sert à manger, elle s’assure qu’il n’aura pas froid à l’extérieur, elle donne le rythme aux activités de la journée. Mais plus important, elle le reconnaît. Elle découvre ses particularités. Elle découvre ses goûts et intérêts. Elle répondra de façon de plus en plus adéquate à ses besoins parce qu’elle a l’observé.

Et doucement au travers des routines de la journée, elle établira un lien, un attachement significatif avec Justin. Ils seront liés par un fil invisible de connaissances de leurs particularités. C’est ce que l’on appelle le lien d’attachement professionnel (Katz).

 

Une éducatrice significative : qu’est-ce que c’est :

C’est donc cette personne, très souvent une femme, qui  connaît l’enfant, qui identifie ses besoins qui y répond tout en favorisant son autonomie. Il ne faut pas faire à la place de l’enfant  mais plutôt avec l’enfant. Est-elle significative dès l’entrée de l’enfant au service de garde? Sûrement pas, mais elle le devient assez rapidement pour l’enfant. Parce qu’elle représente d’abord la réponse à ses besoins de base comme manger et dormir. Par contre, avec le temps, elle devient la personne avec qui les relations affectives de l’enfant ‘’résonnent’’. Il trouve réponse à ses besoins affectifs. Ils trouvent échos à ses attentes.

Elle y arrivera toujours en prenant le même chemin : disponibilité et respect de l’enfant. Elle doit donc se balancer entre répondre aux besoins et laisser l’enfant  explorer et répondre à ses besoins. Pour se faire, elle se tiendra à distance et observera l’enfant en action.

De la théorie aux gestes : quelques questions

  • Est-ce que l’éducatrice en pouponnière doit travailler 5 jours/semaines?
  • Est-ce que l’éducatrice en pouponnière doit être seule avec cinq poupons dans un local pour leur assurer un attachement sécure?
  • L’éducatrice en service de garde doit-elle opter pour ‘’suivre’’ son groupe pendant minimalement deux années d’affilées ?
  • L’éducatrice en service de garde doit-elle remettre en question les groupes homogènes ou opter pour le groupe multiâge qu’elle accompagnerait plusieurs années ce qui lui permettrait d’assurer plus de continuité aux enfants?
  • Est-ce qu’une journée de congé aux deux semaines améliorerait la constance des relations auprès de l’enfant?
  • Le service de garde doit-il prioriser les besoins des enfants ou ceux des éducatrices?

 

Réponses aux questions :

  • Est-ce que l’éducatrice en pouponnière doit travailler 5 jours/semaines? Les études démontrent que la stabilité du  personnel éducateur est un facteur de qualité dans les services de garde. Les spécialistes de la Petite Enfance en passant par Lilian Katz, Winnicott, Bouchard et Bosse-Platière sont d’avis que la stabilité est un facteur favorisant le lien significatif entre l’enfant et l’éducatrice.

 

  • Est-ce que l’éducatrice en pouponnière doit être seule avec cinq poupons dans un local pour leur assurer un attachement  sécure? Il semble très intéressant de travailler à deux à la pouponnière. Mais qu’en est-il en réalité pour le lien significatif entre l’enfant et l’éducatrice? Dans une  pouponnière de 10 enfants, si un enfant pleure et que  son éducatrice attitrée est à changer les couches, il sera consolé par l’autre éducatrice. Pensons seulement, qu’autour de cet enfant gravite déjà un père une mère une grand-mère un grand-père et une éducatrice… c’est déjà suffisant pour un petit être en construction. Mais si en plus, comme la moitié des enfants, ses parents sont séparés, cet enfant peut se retrouver avec plusieurs  adultes qui attendent qu’il s’adapte à eux!!! D’où l’importance, comme le spécifie le programme éducatif Accueillir la petite enfance, que le ‘’ le service de garde qu’il fréquente, par la qualité des interventions des adultes qui s’y trouvent et des activités auxquelles on lui permet de s’adonner, doit se situer résolument du côté des facteurs de protection dans son développement[i]
  • L’éducatrice en service de garde doit-elle opter pour ‘’suivre’’ son groupe pendant minimalement deux années d’affilées ? Pour avoir moi-même suivi mon groupe pendant plus de deux ans, je peux vous dire que le lien est devenu très solide entre moi et les enfants de mon groupe mais aussi les enfants entre eux. Et que dire des parents, nous nous connaissions tellement. J’ai pu vraiment m’allier avec eux pour les interventions auprès de leur enfant en  assurant ainsi constance et continuité. De plus, j’ai pu approfondir les thèmes initiés par moi ou par les enfants. Mes interventions éducatives étaient fondées sur plusieurs observations et une solide connaissance des besoins des enfants.
  • L’éducatrice en service de garde doit-elle remettre en question les groupes homogènes ou opter pour le groupe multiâge qu’elle accompagnerait plusieurs années et  qui lui permettrait d’assurer plus de continuité aux enfants? L’approche multiâge comporte beaucoup d’avantages que je ne traiterai pas dans cet article mais en lien avec le thème de l’attachement disons que ce type de regroupement d’enfants assure stabilité dans le lien entre l’éducatrice et l’enfant, permet la continuité dans les liens fraternels et encourage l’attachement des enfants entre eux. Comme l’accent est mis dans le partage et l’entraide dans ce type de regroupement, le climat est propice à l’empathie et la patience , terreau de qualité pour des liens affectifs solides.
  • Le service de garde doit-il prioriser les besoins des enfants ou ceux des éducatrices?

Maintenant que les spécialistes se sont prononcés sur l’importance de la stabilité du personnel éducateur pour son lien d’attachement avec son éducatrice et pour son développement global, que faut-il faire? Faut-il éviter cette question délicate des conditions de travail de l’éducatrice au détriment des besoins des enfants? Croyons-nous vraiment en l’importance de ce lien entre l’enfant et son éducatrice? Rappelons que Urie Bronfrenbrener (2000) et son modèle écologique démontre clairement que le service de garde de l’enfant et plus spécifiquement son éducatrice font partie d’un microsystème qui, durant la petite enfance, a une influence tout aussi importante  sur le développement de l’enfant que le microsystème de sa famille (Bouchard 2008).

 

La question est délicate certes, mais elle s’impose pour le bien-être des enfants qui nous sont confiés et dans le but de leurs donner les meilleures chances possibles de développement. En 2010, la question de l’importance de l’attachement pour le développement de l’enfant n’est plus à démontrer. Ce fondement du programme éducatif des centres à la petite enfance (2007) doit nous encadrer dans le choix des actions à entreprendre pour  améliorer la qualité de nos services de garde Québécois.

 


[i] Gouvernement du Québec, Accueillir la petite enfance, Ministère de la famille et des aînés, 2007, p.13.