https://www.pexels.com/fr-fr/photo/jeune-fille-mignon-jouer-enfant-16145646/ (jouer seul chez les enfants)

 Juliette, 30 mois, est de nature calme et discrète.  Elle aime jouer à la maison de poupées.  Elle y place les meubles et accessoires avec beaucoup de concentration.  Toutefois, lorsque Malik veut se joindre et commence à toucher à son jeu, elle tend à quitter sans cri, sans pleur.   Elle déambule alors sans but précis.  Elle cherche à se faire prendre par son éducatrice, elle suce son pouce.   Le local de Juliette, comme presque tous les locaux des installations au Québec, est minuscule.   Les enfants entrent sans cesse dans l’espace de jeux des uns des autres.  Non sans heurt.

Depuis, bientôt un an, les éducatrices de ce local double, avec le soutien de la direction, ont mis en place une nouvelle façon de gérer l’espace.   Elles sortent pour la cour extérieure en alternance des groupes.  Ainsi, un des groupes bénéficie de l’espace des deux locaux pour les jeux libres ou les explorations planifiées par l’adulte.   Lors du dîner et des deux collations, un des groupes prend le repas dans la salle multi qui est adjacente à la cuisine.

Les agressions ont diminué considérablement.  Le niveau sonore est beaucoup plus bas et les enfants moins stressés de se faire envahir dans leur espace de jeux.  Malgré ces éléments importants de prévention, Juliette continue de délaisser ses jeux car elle n’arrive pas à affirmer, verbalement et non verbalement, son besoin d’élaborer par elle-même son jeu.

L’éducatrice a introduit un nouvel outil pour l’aider.  Il s’agit d’un petit cône orange en plastique que l’on trouve aisément en magasin.  Sur la pointe du cône, on a installé un drapeau recto-verso avec le pictogramme « jouer seul » et le pictogramme « jouer à deux ou plus ». Lors d’une causerie, l’éducatrice a introduit l’utilisation du cône à tous les enfants du groupe.  Deux cônes sont disponibles.   Avec l’aide d’une collègue, elle a présenté comment l’utiliser.  Ainsi, l’enfant qui a le désir de jouer seul, peut aller chercher le cône et l’installer près de son jeu.  Le cône rappelle aux autres enfants concrètement le désir de leur camarade, mais également s’ils souhaitent se joindre qu’ils doivent faire une demande officiellement.  Si l’enfant accepte qu’il se joigne, il fait pivoter le cône. Elle a également pratiqué l’habileté à recourir aux cônes à l’aide d’une marionnette qui venait s’ingérer dans leurs jeux.  L’éducatrice invitait l’enfant à identifier la stratégie du cône.

Il est prioritaire de souligner que les enfants de façon naturelle vont se joindre aux jeux de leurs camarades sans demande officielle.  Ils vont observer et prendre des pièces du jeu, tout en imitant ou en faisant des propositions, afin de signifier leur désir de se joindre.   Il est très important de laisser ce processus naturel suivre son cours.

Le cône vise à soutenir les enfants qui n’arrivent pas aisément à signifier leurs besoins et qui tendent à céder leur jeu.   Il vise aussi à soutenir les enfants qui utilisent les agressions verbales ou physiques afin de délimiter leur territoire.   Nous devons reconnaître qu’il est parfois extrêmement difficile de vivre tous réunis dans un si petit espace.  Le cône ne vise en aucun temps à interdire aux autres de faire une demande pour se joindre ou encore à maintenir isoler l’enfant qui exprime le désir d’amorcer son jeu seul.

En terminant, il est possible que le camarade exprime le désir de continuer de jouer seul malgré une belle demande de l’autre. Il ne faut pas imposer des tours de jeux avec une minuterie. L’enfant a le droit de disposer de tout le temps requis avec le matériel qu’il a choisi.  Il ne faut pas ici miser sur la « désirabilité sociale », c’est-à-dire insister auprès de l’enfant qu’il cède son jeu tout en le félicitant. En faisant cela, on interfère avec son processus d’apprentissage et on lui enseigne à se soumettre pour faire plaisir à l’adulte.

Mais que faire des émotions et des désirs de l’enfant qui voulait se joindre? On peut l’inviter à aller chercher sa carte avec sa photo pour réserver le jeu quand le camarade aura terminé. Si le temps est restreint avant de ranger, il pourra le déposer dans le bac de réservation, toujours avec sa carte avec photo, pour la prochaine période de jeux.  Même si l’enfant n’a plus le goût de jouer avec ce jouet au retour des jeux extérieurs ou de la sieste, il est important qu’il puisse bénéficier d’un environnement sécurisant qui tient compte de ses besoins au moment où il les exprime.  L’éducatrice l’invite alors à le ranger s’il préfère choisir un autre jeu.   On évite ainsi à l’enfant de toujours se sentir bousculé par le temps.